Sur la méthode Alexander
À ceux et celles qui ont mal au dos de façon chronique et ce, malgré des années de danse, de Pilates ou de yoga, c'est votre posture dans son ensemble qu'il vous faut repenser. Car, en dehors de nos cours, nous passons presque toutes une bonne dizaine d'heures par jour le dos voûté, les épaules en avant et la tête vers le bas...
La méthode Alexander nous permet de retrouver la bonne attitude et, par-là même, d'épargner notre corps, de le préserver sur le long terme. Rencontre avec Véronique Bartin, l'un des rares professeurs à l'enseigner en France, pour vous faire découvrir cette technique encore méconnue en France, mais adoptée par Raphaël Nadal, Paul McCartney ou Madonna!
Bonjour Véronique, comment définirais-tu la technique Alexander en quelques mots?
C’est une méthode psycho-corporelle qui réunit le corps et l’esprit et s’intéresse particulièrement à la personne dans sa globalité, pour l’aider à mieux fonctionner, à mieux s’utiliser dans sa vie quotidienne, comme dans sa vie d’athlète ou d’artiste.
Comment la méthode est-elle née?
Frédérick M. Alexander (1869–1955), un acteur, souffrait d'aphonie et de maux de gorge. Ne trouvant pas de remède dans la médecine traditionnelle, il entreprend une longue observation de lui-même. Il découvre rapidement que ses prises de parole entraînent un raidissement immédiat de tout son corps, mettant ainsi en évidence l’interaction constante entre le physique, le mental et l’émotionnel. Après huit ans d’observation, il parvient à rationaliser une méthode pour rendre l'exécution physique des mouvements plus naturelle, et donc plus facile. En 1930, il crée une école de formation.
Est-elle enseignée depuis longtemps?
Elle est connue en France depuis une cinquantaine d'années, mais la méthode est bien plus répandue dans les pays anglo-saxons, en Europe du Nord et en Israël.
Quelle est ta mission auprès de tes clients?
Aider la personne à prendre conscience d'elle-même, de son schéma corporel pour mieux se vivre et mieux vivre sa vie, en retrouvant fluidité, justesse et stabilité de manière constante et durable.
En quoi a consisté ta formation?
J'ai suivi une formation de 3 ans en Angleterre, à raison de trois heures par jour et beaucoup de travail pratique. Beaucoup de travail sur les mains, le toucher et beaucoup de travail sur moi-même, en mettant en application sur mon propre corps les principes de la technique. Il est impossible de toucher les gens et d’enseigner la méthode Alexander sans avoir d'abord un bon usage de soi-même. Après plusieurs années de pratique, j’ai adapté la technique à l’équitation et je suis la seule à l’enseigner en France.
Par quel processus arrive-t-on à une prise de conscience de sa posture, étape nécessaire pour commencer le travail avec toi?
La prise de conscience s'effectue par l'observation de soi, des autres. Mes élèves sont guidés par mes mots et mes mains, sur des postures très simples comme "être debout", "être assis", "se lever", "marcher".
Et quels types d’exercice utilises-tu pour remettre les gens dans le "droit chemin"?
Je pars de leur état corporel et de l'activité qu'ils pratiquent, selon que ce soit des musiciens ou des cavaliers par exemple, pour les amener à la bonne position, celle requise par leur pratique. Ensuite, je vois comment ils s'utilisent. Ma grille d'évaluation se base sur ce que l'on appelle "le contrôle primaire", soit la cohésion tête/cou/dos. Et j'analyse ensuite si ce qu'ils pensent et ce qu'ils font est cohérent. S'ils ont conscience de ce qu'ils font et ce à quoi ils pensent. On observe que certains savent comment ils devraient placer leur corps mais ils ne le font pas et ne savent pas comment y remédier. Beaucoup sont soumis à la force de l'habitude et ils tentent avec trop d'insistance de "se corriger", ce qui empire souvent la situation. Il est préférable de simplement "prendre conscience de sa position" et laisser faire le corps pour le reste.
Certains des exercices que tu proposes ressemblent beaucoup à du Pilates ou du yoga nidra (yoga du sommeil), est-ce la finalité qui est différente, au fond?
On retrouve des exercices similaires à ce que l'on peut trouver dans le Pilates, avec le travail sur le ballon, ou dans le yoga nidra avec les relaxations. Tout cela est complémentaire, même si Alexander et Pilates ont des histoires différentes. La finalité est la même. L’Alexander peut amener à la spiritualité parce que la notion de centre est fondamentale, mais elle n'est pas spirituelle. En ce qui concerne le Pilates, la différence majeure réside dans le fait que la méthode Alexander n'est pas uniquement un travail sur le corps mais une pratique psycho-corporelle. Un "tronc commun". Un point de départ dans la compréhension de soi. On peut ensuite l'enrichir comme on le souhaite.
Que viennent chercher les cavaliers amateurs chez toi?
Ils viennent chercher une meilleure compréhension de l'équitation et une meilleure harmonie avec leur cheval.
Penses-tu que l'on puisse initier un vrai changement lors d'un stage de deux ou trois jours?
Disons que c'est un bon début vers un vrai changement!
Chez les danseurs et les comédiens, la technique est bien connue et mise en pratique, ton enseignement a-t-il été accueilli de la même façon par tes pairs?
J'ai été accueillie avec beaucoup de réticences au départ, les cavaliers n'étaient pas très ouverts. Sauf par les enseignants qui, eux, étaient en demande.
Qu'est-ce qui a fait évoluer les mentalités?
Dans le monde amateur, l’équitation donne aujourd’hui plus de place à la dimension psychologique, alors qu’elle a privilégié la technique durant des siècles. Les enseignants voient bien que les demandes de leurs clients évoluent. Ils pratiquent le yoga, la méditation, ils consultent l'osthéo… Et cela influence directement leur approche de la pratique. Je sens beaucoup d’ouverture d’esprit chez les enseignants et une volonté de faire évoluer leur discipline en faisant l’acquisition de nouvelles compétences. Mardi dernier, j'ai rencontré pour la première fois, dans l'un de mes stages à destination des enseignants, une jeune femme qui pratiquait yoga et méditation et ce qui est intéressant, c'est qu'elle s'utilisait particulièrement bien à cheval… Comme par hasard! Je me suis dit que les choses avaient beaucoup progressé en club depuis mes débuts, il y a vingt ans.
En ce qui concerne la compétition de haut niveau, Michel Robert, avec qui je travaille régulièrement et qui est l'un des plus grands cavaliers français de haut niveau (ndlr: champion du monde CSO en 82, médaillé d'argent aux championnats du monde en 94, médaillé de bronze aux JO en 88 et 92 et aux championnats du monde en 82 et 86) a beaucoup contribué à faire bouger les lignes. Le fait que des méthodes similaires à Alexander aient été utilisées dans d'autres sports, avec de très bons résultats, a également fait changer les mentalités. Enfin, la fédération française fait évoluer les choses, elle aussi, en proposant les interventions de préparateurs mentaux, par exemple. Mais les cavaliers de haut niveau continuent à boire, fumer et mal s’alimenter. Cela ne change que très progressivement! Comme la FFE, je me concentre beaucoup sur la jeune génération, celle qui sera aux Jeux Olympiques à Paris ou à Los Angeles. C'est elle qui va pouvoir faire changer les choses. On est encore aux prémices du changement dans notre discipline.
Tu as écrit avec Jean-Pierre Tiffon, ton mari (ndlr: coach et préparateur mental), un livre intitulé Le Cavalier Idéal. Comment définirais-tu ce cavalier?
Le cavalier idéal c'est celui qui arrive à harmoniser le corps et l'esprit et à se faire plaisir à cheval. Un vaste programme!
La posture est au centre de tous les sujets bien-être, quels conseils donnerais-tu à notre communauté pour être plus centrée dans son quotidien?
Toutes les heures, faites une pause de quelques minutes pour prendre conscience de votre position. "Est-ce que je suis bien assise sur mes ischions?", "Est-ce que mes pieds sont bien posés au sol?". Une sorte d'arrêt sur image, sans nécessairement chercher à corriger sa posture. Mais en prenant conscient de la façon dont on se tient à l'instant T. Et c'est par ces petites prises de conscience que votre posture va s'améliorer. Il ne faut pas chercher à "faire". Car lorsqu'on cherche à "faire", les effets sont de courte durée.
Qui t'inspire?
Michel Robert, pour la rigueur qu’il met dans son travail, sa persévérance, son envie de changer et la connaissance qu'il a des chevaux.
Où est-ce que notre communauté peut te trouver?
Sur mon site, ma page Facebook et chez moi, à Vierzon, pour des cours et des stages.
article publié à l’origine sur Inside/Out